Publié le 11/06/2024

Définition du jour : Design social

« Le design social est une stratégie de conception permettant de concevoir non seulement des objets, des images et des espaces, mais aussi des pratiques, des services des comportements et des attitudes adaptés à une société dynamique et évolutive. Ce processus est un moyen efficace pour répondre à des besoins physiques et psychologiques de l’individu-usager et du groupe social ainsi qu’à un ensemble d’activités et de vécus raisonnables et durables. »

Vulgarisation d’un concept : Intégration socio-spatiale

Lorsque l’on considère la notion d’intégration dans son aspect opérationnel, concret et quotidien, la dimension spatiale ne peut être mise de côté. Certain·es chercheurs·euses en géographie et sciences sociales s’accordent même à dire « qu’il ne peut y avoir […] d’intégration sociale qui ne soit spatiale »*. L’intégration sociale et l’intégration spatiale serait donc liées. C’est un postulat que tente de défendre la recherche entreprise sur cette notion d’espace comme variable de participation en Mission Locale. Car, cela va sans dire que nos vies, nos relations, nos histoires, notre éducation et nos codes sociaux prennent place dans des espaces donnés et construits. Il est question en fait d’un échange perpétuel entre les individus et l’environnement dans lequel il agit.

Pour comprendre cette notion d’intégration socio-spatiale, faisons un rapide retour sur son historicité. Alors que dès les années 1940, des commandes sociales émanent des institutions publiques pour travailler à la mise en œuvre opérationnel de cette idée d’intégration sociale ; les recherches académiques et théoriques, quant à elles, ne sont pas si nombreuses. Ce n’est que quelques années plus tard qu’en sociologie se dégage une théorisation plus solide. Landecker souligne que l’intégration est une notion « multidimensionnelle » et, de fait, catégorise quatre types d’intégration :

  • l’intégration culturelle – ou concordance entre les normes d’une culture,
  • l’intégration normative – ou conformité de la conduite aux normes,
  • l’intégration communicative – ou échange de significations dans le groupe, enfin
  • l’intégration fonctionnelle – ou interdépendance due aux échanges de services**.

C’est encore après que la dimension spatiale vient s’agréger à cela avec les travaux portant sur la ségrégation spatiale et l’intégration sociale inscrits dans la mouvance de recherche sur les déplacements de populations***. Ces tentatives d’ancrage et de réflexion opérationnelle de la notion d’intégration pose donc un cadre théorique qui prend en compte cette dimension spatiale.

En sciences humaines, c’est en parallèle à l’émergence de la notion de « proximité spatiale » que se développe celle d’ « intégration sociale ».

« L’intégration sociale est donc l’ensemble des processus par lesquels se resserrent les liens entre individus ou entre groupes d’une part, et les divers processus d’incorporation des « nouveaux » que sont les jeunes, les immigrants, les transfuges d’autres groupes… Il est bien évident que les modalités de cette intégration sociale vont avoir des conséquences importantes sur les formes spatiales observables (la ségrégation résidentielle en est un bon exemple). Réciproquement, l’espace est susceptible de jouer un rôle fondamental dans cette intégration sociale. »****

Concernant les publics jeunes, dans son rapport au Premier Ministre, Bertrand Schwartz souligne la nécessité d’un lieu de référence pour aider à l’insertion :
«  Seuls les jeunes qui trouvent un lieu où il leur est possible de ‘reglobaliser’ une vie éclatée : école, rue, entreprise, logement,… arrivent à se situer et à s’insérer dans la société. »*****

A l’inverse, « la fragmentation sociospatiale »****** désigne une séparation croissante de différents groupes de personnes dans l’espace à l’échelle du quartier, de la ville, ou encore du pays (classes sociales, origines ethniques, etc.). Ces configurations spatiales, que nous les considérions adaptées ou non, judicieuses ou non, font parties intégrantes de la construction des relations par cette dimension socio-spatiale.

Il convient de terminer ce rapide exposé de la notion d’intégration socio-spatiale en soulignant les limites du terme d’intégration et de ses synonymes (absorption, assimilation, insertion, etc.). Une critique est à retenir : l’intégration incite à un effort individuel de compréhension de l’ensemble, du groupe social ou d’une société ; l’intégration porte donc aussi l’idée d’une modification des comportements, des cultures et des identités individuelles au profit d’une adaptation et d’une conformité au groupe.
Cela souligne une relation déséquilibrée entre les « nouveaux » perçus comme non-intégrés et le groupe social de référence.

Bien que cette notion d’intégration socio-spatiale appartienne au domaine de la politique urbaine principalement, les questions qu’elle soulève semblent intéressantes à poser au cœur des Missions Locales, à savoir une réflexion nécessaire sur leurs espaces symboliques dédiés à la participation du public, leurs espaces d’accueil et leurs salles d’activité. Bertrand Schwartz plaider pour des « espaces qui n’ignorent plus le jeune » *****. Les jeunes ont besoin d’espace à eux, des « lieux appropriables » ***** dans l’espace collectif. Car il existe en effet un lien de corrélation entre précarité et espaces disponibles pour se construire pour les publics des Missions Locales (et pas seulement).

Ressources bibliographiques

MEZIANI Martial, CANET Géraldine, BOCK Cyrille, Les espaces formatifs et transformatifs. Approche interdisciplinaire, Nîmes Champ social – « Questions de société », 2021, 248p.

FOUCAULT Michel, « Chapitre III – Le panoptisme » in Surveiller et punir, Gallimard, 1975, p.228-264

LEFEBVRE Henri, Espace et politique, Anthropos, Paris, 2000, 174p.

Retour