Publié le 18/12/2023

Un article d’Alexandra Turpin, publié avec l’aimable autorisation d’AEF

Olivier Dussopt va diffuser, prochainement, une « feuille de route nouvelle » pour le CEJ (contrat d’engagement jeunes), annonce le ministre du Travail, mardi 12 décembre 2023, lors de l’assemblée générale de l’Union nationale des Missions Locales. Ses instructions s’appuieront sur les recommandations de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), du COJ (Conseil d’orientation des politiques de jeunesse), ainsi que sur les « pratiques » du terrain, explique-t-il.

Renforcer le lien avec les entreprises

D’abord, le ministre compte développer le « lien avec les entreprises », et en particulier renforcer les périodes d’immersion pour que les jeunes puissent découvrir et tester des orientations professionnelles. Il promet, aussi, un « ciblage encore plus important sur les publics prioritaires ». Sont concernés, notamment, les jeunes sortis de l’aide sociale à l’enfance, ceux qui sont « en grande difficulté », sont sortis de détention ou ont des « problématiques d’addiction ». Enfin, il souhaite « alléger les charges de renseignement administratif », qui prennent du temps pour les conseillers. Pour 2023, les Missions Locales ont dépassé les 200 000 CEJ.

Au sujet du CEJ « Jeunes en ruptures », Olivier Dussopt insiste sur l’importance de lever toutes les difficultés rencontrées par le jeune. « Le suivi à 360 est difficile. Beaucoup de freins sont traités mais pas tous les freins », détaille le ministre. Il compte aussi « veiller à ce que les collectivités soient mieux intégrées dans le cadre des consortiums ».

Il annonce, enfin, l’extension de l’expérimentation « Avenir pro », qui s’adresse aux lycéens professionnels et est actuellement mise en œuvre par Pôle emploi. Elle concerne, aujourd’hui, 340 lycées professionnels pour 8 500 élèves, contactés en amont de leur sortie pour les préparer à l’entrée sur le marché du travail. Olivier Dussopt compte mobiliser les missions locales pour étendre ce dispositif.

« Rôle majeur » des Missions Locales (O. Dussopt)

Les prochains mois vont être marqués, pour le ministre et le service public de l’emploi, par la mise en marche de France Travail. Un comité des parties prenantes de France Travail aura lieu lundi 18 décembre 2023. « La première étape sera d’installer le Comité national pour l’emploi, en janvier ou février 2024 », annonce le ministre. Parmi les premiers chantiers, figurent les critères d’orientation, les référentiels ou les outils numériques.

« Les Missions Locales ont un rôle majeur à jouer. Comme acteur essentiel du réseau pour l’emploi, avec une association très étroite à la gouvernance. Pour participer au comité pour l’emploi et pour la construction du patrimoine commun », déclare Olivier Dussopt. Il rappelle que la concertation n’a « pas été facile, même un peu rugueuse par moments ». « Malgré la rudesse des sujets, nous avons trouvé les bons termes pour conforter le rôle des Missions Locales », explique-t-il.

« Nous sortons renforcés » (UNML)

La phase de concertation a été source d’inquiétudes pour les Missions Locales, qui craignaient de perdre leur rôle ou leur identité. Certaines dispositions envisagées par l’exécutif ont été vivement rejetées. Dans l’avant-projet de loi, la capacité d’orientation des Missions Locales était envisagée « par délégation de l’opérateur France Travail ». Cette mesure, jugée « inacceptable » par l’UNML, avait été corrigée dans une version ultérieure du texte. D’autres modifications ont eu lieu au cours du débat parlementaire.

« Nous avons parfois dû taper du poing sur la table. Au final, après avoir cheminé ensemble, nous sortons renforcés », souligne Ahmed El Khadiri, délégué général de l’UNML. « Nous sommes reconnus pour notre accompagnement des jeunes et nous avons désormais une place à tous les niveaux de gouvernance », détaille-t-il. Il ajoute qu’actuellement ce n’est pas le cas dans certains Crefop. En outre, la réforme engagée est « une reconnaissance de l’approche globale, étendue à tous, et que nous pratiquons depuis longtemps ».

« Jamais le même rôle que France Travail » (T. Guilluy)

« Nous n’avons jamais perdu le fil du dialogue. Il faut conserver cet état d’esprit pour coconstruire l’amélioration du service public de l’emploi », estime de son côté Thibaut Guilluy, qui effectuait sa première sortie en qualité de directeur général de Pôle emploi. Sa nomination a, en effet, été officialisée le matin-même en Conseil des ministres, avec une prise de fonction prévue le 21 décembre.

« Les Missions Locales ne rempliront jamais le même rôle que France Travail. Les services aux jeunes ne s’arrêtent pas à la question de l’insertion professionnelle », commente Thibaut Guilluy. Il n’est « pas partisan » des rapprochements, tels qu’ils ont pu être envisagés en 2018, au moment où des scénarios menant à des fusions étaient à l’étude. Pour autant, « l’autonomie ne doit pas empêcher la coopération » : il cite ainsi l’exemple du CEJ qui permet de « partager un peu plus l’offre de services ».

Un partenariat qui « monte en puissance »

Thibaut Guilluy souligne également l’importance des expérimentations. « Il faut identifier ce qui doit être un socle commun et ce qui nécessite une adaptation », explique-t-il. Actuellement, les expérimentations ont été lancées dans 18 territoires pour viser un accompagnement rénové des allocataires du RSA. « Il faudra sortir de la logique de statut. Cela touche principalement les bénéficiaires du RSA mais cela va toucher toutes les personnes les plus éloignées de l’emploi », promet le futur directeur général de l’opérateur France Travail. Ces expérimentations sont amenées à s’étendre, pour concerner davantage de territoires dans les 18 départements déjà investis et aussi dans d’autres départements. Pour l’heure, il assure que « le partenariat avec les missions locales monte en puissance » tout en reconnaissant qu’il « y a des départements où il faut faire de la stimulation ».

Du côté des équipes entreprise, Thibaut Guilluy note que les Missions Locales sont « embarquées dans les task forces entreprises » dans neuf départements. « C’est un enjeu pour alimenter les parcours en immersion, en parrainages », note-t-il. L’ambition est de s’assurer que les entreprises sont bien contactées et « en coopération » avec toutes les structures qui font cette démarche (service public de l’emploi mais aussi CCI ou branche).

Le directeur général note que « le chômage va remonter en 2024 » et qu’il y a donc un risque que « les entreprises se referment ». Elles ont, en effet, une « écoute plus favorable » en période de difficultés de recrutement.

Le chantier du SI

Dans les outils communs, que le futur opérateur France Travail devra mettre en place, Thibaut Guilly entend « réduire la charge administrative ». Par exemple pour suivre les heures d’activités obligatoires du CEJ et celles prévues par la réforme pour les demandeurs d’emploi et les allocataires du RSA. Il veut aussi développer le partage des données : « Des jeunes au RSA sont accompagnés en Mission Locale. C’est scandaleux qu’on leur demande 10 fois de justifier qu’ils sont bénéficiaires du RSA. » Il souhaite aussi s’appuyer sur de nouveaux outils, notamment l’intelligence artificielle, sur la question des comptes rendus.

La nouvelle architecture du service public de l’emploi reposera sur un SI plateforme. « Il y aura des briques en commun et des briques spécifiques », commente Ahmed El Khadiri, délégué général de l’UNML. Actuellement, les Missions Locales fonctionnent avec I-Milo et la situation n’est pas satisfaisante.

« 30 % de l’activité des conseillers est occupée par du temps administratif. Ce n’est pas vu comme utile par les équipes », précise-t-il. Certaines fonctionnalités sont manquantes. Les conseillers ne peuvent pas, par exemple, dupliquer un atelier. Ils doivent le recréer et le ressaisir en entier alors que certains ateliers sont récurrents, comme « accéder à un logement ». En outre, « I-Milo ne nous appartient pas. Nous ne le pilotons pas, nous sommes abonnés », regrette le délégué général.

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