Publié le 21/09/2021

Un article d’Alexandra Turpin, diffusé avec l’aimable autorisation d’AEF

« Un million de jeunes en dehors de tout travail durable »

Les contours de ce revenu d’engagement doivent être annoncés prochainement par le président de la République. « Ce sera un parcours pour les 16/25 ans, doublé d’un revenu conditionné à un engagement du jeune. Plus d’un million de jeunes sont en dehors de tout travail durable et ce n’est pas possible en 2021 », explique la ministre déléguée. D’après le ministère du Travail, la cible est celle des jeunes sans emploi ni formation, mais aussi ceux qui occupent des emplois précaires (lire sur AEF info).

Pour les Missions Locales, cela pourrait représenter « entre 150 000 et 200 000 jeunes supplémentaires », par rapport aux 200 000 Garantie jeunes prévues pour 2021, détaille Stéphane Valli, président de l’UNML. « Nous souhaitons conserver les financements qui sont les nôtres pour accompagner de manière intensive les jeunes les plus éloignés, ceux qui relèveraient de la Garantie jeunes. Nous avons demandé des financements complémentaires pour des jeunes qui ont des besoins d’être accompagnés de manière intensive mais d’une façon plus courte », poursuit-il.

De la souplesse

Stéphane Valli est en faveur d’un dispositif souple, notamment sur la durée « pour que les conseillers puissent réduire ou rallonger » le parcours, jusqu’à 18 mois. Le réseau insiste aussi sur l’importance des démarches en amont, auprès des jeunes qui ne viennent pas ou plus au service public de l’emploi. « Nous avons demandé des moyens financiers pour aller vers les jeunes qui ne connaissent pas les missions locales. Ce sas de mobilisation est un préalable avant d’entrer dans le revenu d’engagement », déclare le président de l’UNML.

Il espère désormais des annonces rapides. « Nos équipes attendent aussi. Déployer des moyens, se réorganiser prend du temps et de l’énergie. Tant qu’on ne connaît pas les règles du jeu, on ne peut pas s’organiser », note Stéphane Valli.

« Impatience » de la FAS

Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, a lui aussi redit « son impatience » : « Nous avons discuté, c’était précieux mais il faut y aller », demande-t-il. Il prône un « dispositif qui permettre d’agir », avec un « revenu digne » et un « accompagnement adapté ».

Le président de la FAS estime « indispensable » d’avoir un « cadre » pour que les travailleurs sociaux, Pôle emploi, les missions locales puissent « aller chercher les jeunes », que les travailleurs sociaux puissent « diriger les jeunes » vers les autres structures et que les jeunes reçoivent un « accompagnement adapté ».

« Ne pas diluer ce qui a fait le succès de la Garantie jeunes »

« Il faut faire très attention à ce que ce qui a fait la réussite de la GJ, c’est-à-dire la dentelle, l’accompagnement ne soit pas dilué dans un objectif quantitatif », affirme de son côté le président de l’Assemblé des Communautés de France, Sébastien Martin. Il ajoute toutefois que cette réserve « ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire » mais qu’il faut « préserver la qualité de l’accompagnement ».

Lors de son intervention, Élisabeth Borne rappelle l’objectif des 200 000 Garantie jeunes fixé pour cette année par l’exécutif, soit un doublement par rapport à 2020. « Ce n’est pas une obsession du chiffre mais il y a des jeunes qui en ont besoin. Un effort très important a été réalisé. Nous ne sommes pas encore à l’objectif. Nous sommes autour de 100 000 », explique la ministre du Travail. Elle ajoute que les restrictions sanitaires au printemps « n’ont pas simplifié les choses ».

L’objectif des 200 000 Garanties jeunes

« L’atteinte de l’objectif de 200 000 doit permettre de crédibiliser un nouveau pas en avant », assure-t-elle. « Nous ferons tout pour tenir l’objectif », répond Stéphane Valli. Il salue l’allègement des critères qui « permet d’accueillir des jeunes avec un peu de ressources ». Le président de l’UNML souligne, toutefois, que la reprise économique pourrait aussi avoir des conséquences sur les entrées en Garantie jeunes. « Dans certains territoires il y a des tensions de recrutement. Plus il y a d’emploi, mieux c’est, mais moins il y a de jeunes en difficulté », constate-t-il.

Pour Élisabeth Borne, le plan « 1 jeune, 1 solution » constitue le « quoiqu’il en coûte de la jeunesse ». Près de 3 millions de jeunes ont bénéficié d’une formation, d’apprentissage, d’emplois ou d’accompagnement, selon la ministre du Travail. Elle précise que « près d’un million de jeunes ont ainsi suivi un accompagnement par Pôle emploi ou par les missions locales ».

« Citoyenneté sociale d’exception pour les jeunes »

Léa Lima, maîtresse de conférence au Cnam, auteur de « Pauvres jeunes », est intervenue lors de l’assemblée générale de l’UNML. Elle décrit un « régime de citoyenneté sociale d’exception pour les jeunes », avec des « politiques sociales ‘agisées' ». « Il n’y a pas de protection sociale passive, de droit à un revenu minimal opposable. Cela a été remplacé par des outils actionnés par des professionnels de l’insertion », constate-t-elle.

L’indépendance financière du jeune est ainsi présentée comme passant « majoritairement voire uniquement par l’emploi », remarque Léa Lima. Cela favorise une « logique de prescription au détriment d’une « logique de droit social opposable ». D’autant que la Garantie jeunes est temporaire et que cet aspect peut engendrer des ruptures de parcours.

Dans les discussions autour de l’extension du RSA aux jeunes, « tout ce débat sur les droits et devoir masque peut être un autre débat sur les différences d’investissement de l’État en termes de solidarité publique et d’investissement éducatif dans les différentes jeunesses qui constituent notre pays », affirme Léa Lima. En effet, les jeunes issus de familles aisées bénéficient de davantage de soutien de leurs proches.

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