Publié le 04/11/2025
Un taux de jeunes en situation de dépression plus élevé dans les départements et régions d’Outre-Mer qu’en Hexagone
L’enquête menée par la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram, publiée le 2 septembre 2025 dresse un état des lieux alarmant. Menée auprès de 5 633 jeunes âgés de 15 à 29 ans, cette étude révèle que 25 % des jeunes en France sont en situation de dépression. Toutefois, dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), ce taux grimpe à 39 % en moyenne, avec 52 % en Guyane, 44 % en Martinique, 43 % à Mayotte.
En parallèle, l’accès à un professionnel de santé mentale reste limité : seulement 30 % des jeunes ultramarins ont déjà consulté, contre 38 % en moyenne nationale.
Dans les Outre-Mer, la rareté des professionnels de santé mentale, la complexité d’accès aux soins, et l’insuffisance des dispositifs de prévention et de repérage sont des freins majeurs.
En pratique, cela se traduit par :
- Des délais d’attente très longs pour consulter un pédopsychiatre, psychiatre ou un psychologue,
- Des zones géographiquement isolées ou moins bien dotées,
- Des jeunes qui ne savent pas vers qui se tourner (pour 25 % d’entre eux en DROM) alors même qu’ils ressentent un besoin.
Le rôle essentiel des Missions Locales
Les Missions Locales ultramarines jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement global des jeunes et sont parfois les premières à observer les difficultés de santé mentale (isolement, décrochage, détresse psychique,…). La période post-Covid a révélé une intensification des situations de détresse auxquelles les professionnels des Missions Locales sont davantage confrontés mais pour lesquelles ils ne disposent pas nécessairement d’outils ni de moyens pour y faire face.
Du fait de la conjonction de ces facteurs (taux élevé de mal-être, difficultés d’accès aux soins, manque de structures adaptées), les jeunes ultramarins présentent un risque accru de rupture d’insertion, de précarité durable et de marginalisation.
Pour répondre à ces enjeux, le rapport recommande :
- De renforcer la prévention et la sensibilisation dans les établissements et sur les territoires ;
- D’améliorer l’accès aux soins psychiques, en déployant des professionnels en nombre suffisant et des dispositifs territoriaux de proximité ;
- De renforcer la coordination entre les acteurs de l’insertion, de la santé mentale, de l’éducation et du secteur socio-éducatif, afin d’articuler l’accompagnement global des jeunes.
Dans l’intervalle, les Missions Locales démultiplient des initiatives pour répondre aux enjeux de santé mentale et de bien-être des jeunes en proposant des solutions variées afin de les sensibiliser, faciliter la détection des troubles et faire le lien avec les structures médicosociales. La semaine nationale des Missions Locales a permis de relever bons nombres d’actions avec des retours plus que satisfaisants. Des approches traditionnelles et dispositifs plus innovants, souvent inspirés par la culture ou les activités physiques se sont révélés être des leviers de mobilisation.
De plus, la désignation de la santé mentale comme grande cause nationale a joué un rôle d’accélérateur. Elle a permis aux Missions Locales, grâce à des partenariats ponctuels mais porteurs, de concrétiser de nombreuses actions au bénéfice des jeunes.
Parmi elles, des approches classiques avec des psychologues présents au sein de certaines structures, le repérage et l’orientation des jeunes par des référents dédiés et des partenariats à consolider avec les centres médico-psychologiques (CMP), Maisons des adolescents (MDA), Agences régionales de santé (ARS), selon les territoires.
Toutefois les approches innovantes telles que les ateliers de développement personnel, de séances d’art-thérapie et de groupes de parole favorisant l’expression et la confiance en soi méritent d’être soutenues et pérennisées.
En parallèle, un travail de fond est conduit par les ARML, notamment sur la formation des professionnels : premiers secours en santé mentale, repérage des troubles psychiques, prévention et gestion de l’agressivité à l’accueil.
Dans le contexte des suites du cyclone Chido, l’importance de la santé psychique a été mise en évidence dans la reconstruction individuelle et collective.
Focus sur Mayotte : écouter, comprendre et agir
À la suite du passage du cyclone Chido, la Mission Locale de Mayotte s’est immédiatement mobilisée pour recueillir les besoins et témoignages des jeunes les plus touchés. Une enquête menée auprès de 1 249 jeunes – soit plus de 12 % des jeunes accompagnés – a permis de dresser un état des lieux précis de leur situation physique, matérielle et psychologique. Les résultats ont révélé des conditions de vie très dégradées : la moitié des jeunes ont vu leur logement endommagé, plus d’un tiers le jugeant inhabitable, et 84 % ont perdu des biens essentiels tels que le mobilier ou l’électroménager. Sur le plan humain, près de la moitié souffre encore de fatigue persistante ou de douleurs, tandis que 85 % se disent stressés, anxieux ou déprimés depuis le passage du cyclone.
Cette démarche d’écoute, conduite tout naturellement dans l’urgence, s’est révélée être un outil précieux pour réorienter nos pratiques professionnelles et poser les bases d’un accompagnement plus sensible et humain. Pour prolonger cette dynamique, la Mission Locale a organisé un séminaire interne dédié à redonner du sens aux pratiques professionnelles après la crise, afin d’aider les équipes à se reconstruire elles aussi et à repenser leur mission d’accompagnement dans ce nouveau contexte.
Dans le cadre du séminaire de la Commission ultramarine de l’UNML qui s’est tenu en avril 2025, les Missions Locales de Mayotte, de La Réunion, de Saint-Martin, de Guyane et de la Martinique ont uni leurs forces autour d’ateliers collaboratifs pour coconstruire un plan d’action répondant à la fois aux besoins des jeunes et aux difficultés rencontrées par les professionnels. De cette réflexion collective est née une nouvelle orientation : valoriser les jeunes talents et leur donner toute leur place dans la reconstruction de Mayotte.
Parmi les actions complémentaires engagées, figurent :
- Deux temps d’échanges entre les conseillères et conseillers de Mayotte et de Saint-Martin, pour croiser les pratiques d’accompagnement en contexte ultramarin ;
- Un dispositif de coaching de la psychologue de la Mission Locale de Mayotte, visant à soutenir la résilience des équipes ;
- Un formation dispensée par la Croix-Rouge, auprès des professionnels de la Mission Locale de Mayotte, pour renforcer leurs compétences en premiers secours et leur préparation aux situations de crise.
Aussi, au mois d’octobre 2025, la Mission Locale de Mayotte a organisé un séminaire consacré aux jeunes talents, véritable espace d’expression et de valorisation. Ce temps fort a permis de mettre en lumière la créativité, la résilience et l’engagement des jeunes mahorais, tout en affirmant leur rôle central dans le redressement social et économique du territoire.
En somme, cette mobilisation illustre la force et la solidarité du réseau des Missions Locales, capable de transformer une épreuve collective en mouvement porteur d’espoir, d’innovation et de reconstruction pour la jeunesse mahoraise et ses professionnels.