Publié le 11/04/2025
Définition du jour : « Fausse Participation » et « Non-participation » – Définitions proposées par le groupe de travail de la Recherche-action dédié aux professionnel·les des Missions Locales
Le risque de la fausse participation est réel et peut aboutir à de la manipulation et de l’instrumentalisation. Nous pensons par exemple à la participation symbolique, décorative (pour la photo) ou encore au « Jeune de service » systématiquement sollicité lors de moment de représentation. Ce risque de fausse participation est un point de vigilance souligné par les professionnel·les.
Ce risque apparaît notamment lorsque que la « non-participation » n’est pas assumée. La non-participation peut se justifier par le manque de ressources (ex : temps) ou par des actions inadaptées aux méthodologies participatives (ex : changer de fournisseur du photocopieur). Au contraire, lorsqu’elle est assumée, la non-participation peut être le marchepied d’une démarche d’amélioration continue.
La participation ne se décrète pas, elle se construit.
Vulgarisation : « Participation alibi »
Les lignes qui suivent ont pour objectif d’encourager la démarche que nous avons entreprise avec la recherche-action, mais aussi les démarches plus localisée et quotidiennes en Mission Locale. Ces propos peuvent servir à notre argumentaire commun qu’il est nécessaire de répéter encore et encore pour convaincre et en faire un horizon désirable.
Nous nous appuyons ici sur l’article de Romain Descloux, Guillaume Dafflon et Aline Félix, chercheurs·euses en travail social*.
« Dans le domaine du travail social, la participation des usagers est devenue une préoccupation centrale. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large visant à démocratiser les processus décisionnels et à valoriser les expertises usagères**. »
Un enjeu central : différencier « participation alibi » et « participation authentique ».
« La participation alibi désigne une implication symbolique des usagers, sans réel impact sur les décisions, créant une illusion de démocratie tout en maintenant les structures de pouvoir inchangées ».
« La participation authentique implique une véritable intégration des usagers dans les processus décisionnels, reconnaissant et valorisant leurs savoirs expérientiels ».
Quels risques de la participation « alibi » et quelles conditions pour garantir une participation « authentique » ?
Tout d’abord, une première difficulté réside dans la définition de la participation. Celle-ci est complexe et englobe en fait une multitude de participations différentes.
« La participation se présente donc davantage sous la forme d’un spectre complexe que d’une idée clairement définie. »
Nous avons pu le constater aux prémices de la recherche-action sur la participation. Pour tenter de simplifier cette notion en la rattachant aux actions des Missions Locales nous en avons fait une typologie. Cette « participation alibi », les membres du groupe de travail l’ont appelé « fausse participation ».
La participation alibi « donne une apparence démocratique à des processus décisionnels qui restent fondamentalement inchangés » selon Sintomer***. C’est un phénomène qui semble suffisamment courant dans les pratiques participatives pour qu’il constitue un réel problème. C’est d’ailleurs pour cela qu’il devient un objet d’étude scientifique important.
« Ce mode de participation se caractérise par une instrumentalisation de l’implication des usagers. »
Ainsi, si elle est si décriée, pourquoi cette participation persiste-t-elle autant ? Elle est une manière de légitimer les actions et à une échelle plus large les politiques publiques. Autrement dit, elle vient renforcer les pouvoirs qui sont déjà en place. Cette participation alibi aussi continue d’être mobilisée face au coût que peut représenter une participation authentique souvent perçue comme « un fardeau administratif ou une contrainte supplémentaire ». Cette fausse participation devient donc une solution de facilité.
Les risques :
- une marginalisation encore plus grande des populations déjà peu présentes et le renforcement des relations asymétriques entre les publics et les professionnel·les
- des résultats superficiels amenant à une certaine frustration pour les professionnel·les à l’initiative
- un désengagement encore plus marqué des personnes sollicitées
Les organisations comme les Missions Locales ont donc un rôle essentiel à jouer :
« Il incombe alors aux organisateurs de créer un cadre permettant aux usagers de s’exprimer dans les meilleures conditions possibles. »
Au-delà des conditions, elles sont aussi garantes de la prise en compte des différentes formes d’expression et de la mise en œuvre d’actions en ce sens.
Nous arrivons à une conclusion partagée, celle de la nécessité d’adaptabilité des professionnel·les au cœur de ces organisations pour permettre la participation de tous·tes : « Dans un monde en constante mutation, viser la participation signifie viser l’émancipation des personnes, une exigence constante qui nécessite une flexibilité permanente ».****
Ressources bibliographiques
* DESCLOUX Romain, DAFFLON Guillaume, FÉLIX Aline, « Au-delà de la participation alibi. Pour une émancipation authentique des usagers en travail social », Sociographe, 2025/1 n° 89, p.XV-XXVII.
Lien url : https://shs.cairn.info/revue-sociographe-2025-1-page-XV?lang=fr.
** RULLAC Stéphane, « Les expertises d’usage et usagère : quelles définitions pour quelle participation ? ». Revue de la petite enfance, 135, 28-36, 2021. Lien url : https://hal.science/hal-03318988/document
*** SINTOMER Yves, Le pouvoir au peuple : Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative. La Découverte, 2007
**** PARAZELLI Michel, BOURBONNAIS Mathieu, « L’empowerment en travail social : Perspectives, enseignements et limites ». Sciences & Actions Sociales, 6, 23-52, 2017. Lien url : https://doi.org/10.3917/sas.006.0023