Publié le 08/02/2022

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Quels enseignements tirez-vous du premier anniversaire de la plateforme Antidiscriminations.fr et de son utilisation par les jeunes ?

Premier point positif : nous notons une augmentation de 25% des réclamations relatives aux discriminations en 2021, cette plateforme est donc une réussite. Ce sont des juristes qui sont en première ligne : ils sont en capacité de répondre aux personnes en vérifiant si les abus subis entrent bien dans le champ des discriminations.

La durée moyenne d’un appel est de 20 minutes, ce qui est très long pour une plateforme téléphonique. Cela illustre bien le temps nécessaire pour raconter son histoire quand on est victime de discriminations. Nos écoutants proposent à la personne de lui faire un récapitulatif pour savoir quelles sont les options : nous saisir ou pas, les orienter, oui mais vers qui ? Les personnes ne nous saisissent pas automatiquement mais plus de la moitié des appels entre bien dans le champ des discriminations et dans cette moitié, les trois quarts sont orientés vers une saisine. Cela ne veut pas dire que tous nous saisissent tout de suite.

De manière générale, assez peu de jeunes nous saisissent. Alors que c’est une priorité : dans tous nos domaines de compétences (droits des enfants, accès aux services publics, discriminations, déontologie des forces de sécurité), les jeunes sont concernés et il faut faciliter la saisine.

Le domaine principal des discriminations est l’emploi. Dans les critères qui arrivent en tête : l’origine, suivie de très près par le handicap. Cela s’explique aussi par le fait que les associations du champ du handicap se sont véritablement saisies de la plateforme. Les associations, comme les Missions Locales, sont des intermédiaires importants pour remplir ce rôle.

Nous avons d’ailleurs mis en évidence sur le site les 1200 points d’entrées dans toute la France. C’est un autre atout de la plateforme : avoir réuni le monde associatif et avoir rendu visibles sur un même site tous les points d’accueil possibles. Parce qu’on ne peut pas tout faire à distance : la rencontre est essentielle.

Quelles seraient les actions complémentaires à la plateforme ?

Deux autres piliers sont nécessaires : un observatoire pour évaluer l’ampleur de ces discriminations et des campagnes massives de communication pour expliquer ce que sont les discriminations et en quoi elles sont délétères.

Concernant l’observatoire, nous avons commencé à travailler avec les services statistiques de l’Etat pour faire avec eux un état des lieux des recherches menées dans le domaine, des recherches en cours et des recherches qu’il faudrait mener.

La récente parution du baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi des jeunes a mis en avant des situations de surexposition aux phénomènes discriminatoires vécus par les jeunes, pouvez-vous apporter des précisions ?

Deux chiffres sont frappants : un jeune sur trois dit avoir été victime de discriminations. C’est une personne sur 5 pour l’ensemble de la population. Il y a donc une plus grande prévalence chez les jeunes, mais également sans doute une plus grande conscience des discriminations dans cette catégorie de la population. Et le 2e chiffre : 4 jeunes sur 10 n’ont rien fait, et n’en ont même pas parlé autour d’eux, le ratio passe à 5 sur 10, si l’on ne prend en compte que les femmes.

Ces chiffres disent deux choses. Tout d’abord la forte prévalence des discriminations et surtout le non recours. Quand on demande aux jeunes pourquoi ils n’ont rien fait, ils répondent qu’ils pensent que « cela ne sert à rien » ou qu’ils ont peur des représailles. Cette question revient assez souvent.

L’autre point intéressant du baromètre, c’est le cumul des faits discriminatoires, dans un continuum. En effet, la discrimination n’arrive jamais seule : elle est précédée de propos dévalorisants, de situations plus difficiles. Cela altère la vie des jeunes dans l’emploi mais également leur santé, physique ou psychique, leur vie familiale…

Un exemple parlant : une jeune femme perçue comme non blanche ayant des revenus mensuels nets inférieurs à 1300 euros déclare deux fois plus de discriminations que le reste des jeunes. Cela illustre ce qu’on appelle « l’intersectionnalité ».

Quelles pistes d’actions envisagez-vous pour réduire le nombre de ces situations ?

Nous préconisons de quantifier véritablement les discriminations, ce qui rejoint la question de l’observatoire. Il faut aussi que les entreprises élaborent des actions de lutte contre les discriminations, avec des actions structurées pluriannuelles qui seront évaluées régulièrement. Il faut aussi que le personnel soit formé sur les discriminations. Et il faut assurer également des sanctions véritablement dissuasives, par les juges.

Quels sont les grands chantiers du Défenseur des droits pour la jeunesse pour cette année 2022 suite à la période de crise que nous avons vécue et qui a particulièrement touché les jeunes ?

Sur la question des discriminations, nous allons tout faire pour que les jeunes nous saisissent plus facilement. Cela part aussi de l’implantation de nos délégués, qui sont 550 sur tout le territoire. Ce sont des bénévoles, qui assurent des permanences de 2 demi-journées par semaine. De leur implantation dépend aussi de « qui nous saisit ». L’idée est d’être au plus près de la jeunesse.

Nous voulons que les jeunes nous saisissent, sur les discriminations certes, mais aussi sur l’ensemble de nos compétences.

Il s’agit cette année de continuer à rendre plus visible notre plateforme antidiscriminations.fr, montrer les avancées, dans les décisions, dans les médiations, continuer à avancer sur les contrôles d’identité discriminatoires. Et poursuivre notre travail sur la promotion du droit des enfants. Notre rapport annuel consacré aux droits de l’enfant s’intéressera cette année à la vie privée des enfants, en lien notamment avec l’usage des réseaux sociaux. Nous serons également très attentifs cette année à l’accès aux services publics. Cette question représente 80% des réclamations. Nous constatons que la dématérialisation a éloigné les usagers du service public quand n’ont pas été maintenu des lieux d’accueil physiques. Nous sortons d’ailleurs très prochainement un rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, qui propose des solutions pour rétablir un accès plus aisé de l’usager au service public.

Les Missions Locales sont engagées pour lutter de façon systémique contre les discriminations, notamment avec une expérimentation financée par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Quelles pourraient être les pistes pour permettre aux Missions Locales de renforcer leur expertise dans ce domaine ?

Je souhaite renforcer des liens déjà existants avec les Missions Locales. La présence de nos délégués en leur sein est intéressante. Et il faut aussi absolument développer les connaissances sur nos productions (actions, publications…) respectives. La question de la formation des conseillers est bien sûr importante aussi.

Ma volonté, c’est que les jeunes confrontés à plus de difficultés soient plus accompagnés, ce qui rentre tout à fait dans le champ d’actions des Missions Locales. Nous devons par exemple avoir une attention particulière sur la question des pièces justificatives : ces jeunes ont plus de mal à avoir une trace de ce qu’ils ont déjà fait ou des difficultés auxquelles ils ont déjà dû faire face.

Et aussi…

Le Défenseur des droits a monté le projet d’éducation des enfants et des jeunes au(x) droit(s) « Educadroit », avec pour objectif de sensibiliser les enfants et les jeunes au droit et à leurs droits.
Pour en savoir plus : Educadroit

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