Publié le 23/06/2025

Pouvez-vous nous raconter ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?

Avec la plupart des co-auteurs, nous avons travaillé en Mission Locale durant 15 à 30 ans ; d’autres en Point Accueil Ecoute Jeunes ou à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, en partenariat rapproché avec les Missions Locales. Pendant toute cette période, nous avons construit nos pratiques cliniques, nous avons publié quelques dossiers dans des revues spécialisées et animé un réseau national avec 11 séminaires nationaux. Avec ce livre, nous souhaitons prolonger ce travail et transmettre à l’ensemble du réseau des Missions Locales et aux collègues de tous les espaces intermédiaires – à l’interface du social, de l’éducatif et du soin – le référentiel théorique et clinique que nous avons développé pour prendre en compte la souffrance et le mal-être des jeunes.

Il y a un déficit de transmission de savoir sur les pratiques cliniques menées en Missions Locales, alors que l’expérience cumulée des trente dernières années constitue un trésor d’innovations à sauvegarder et à faire fructifier. La nécessité de développer des postes de psychologue à l’interne est maintenant largement reconnue par le réseau des Missions Locales et ses partenaires, mais ces postes restent le plus souvent précaires et à temps très partiel, ce qui induit un grand turnover. Focalisé sur le développement de ces postes, le réseau ne s’est pas doté, en parallèle, de moyens pour construire un référentiel métier pour ces psychologues, en dehors de quelques régions qui tentent de mener ce travail.

Cet ouvrage répond à ce besoin de proposer un référentiel pour les psychologues en Missions Locales et pour tous les professionnels des espaces intermédiaires.

Pourquoi utiliser le terme de souffrances d’exclusion pour parler de la situation des jeunes suivis en Missions Locales ?

Les jeunes accompagnés en Missions Locales peuvent, comme tout être humain, traverser des moments difficiles et être en souffrance, par exemple, lors d’un deuil ou d’une séparation. Tous les professionnels accueillent au quotidien la souffrance des jeunes consécutive aux aléas de leur vie et ne les orientent, bien sûr, pas tous vers des psychologues. Certains jeunes s’inscrivent toutefois dans des parcours répétés d’exclusion liés à la fois à des phénomènes sociaux qui touchent plus particulièrement une partie de la population (par exemple, la discrimination, la violence du monde du travail) et résonnent avec leurs histoires personnelles.

En1995, le rapport Lazarus « Une souffrance qu’on ne peut plus cacher » a utilisé les termes mal-être et souffrance pour qualifier le dépôt auprès de travailleurs « de la première ligne », dans le social et l’humanitaire, de nouvelles formes de souffrances psychosociales, qui trouvent leur origine à la fois dans la dureté de la société néolibérale et dans le parcours de vie de ces personnes qui n’accèdent pas aux institutions de soins psychiatriques.

On utilise le terme « souffrances d’exclusion » pour mettre l’accent sur l’indissociabilité de certaines souffrances des phénomènes d’exclusion telle qu’elle se présente dans l’accompagnement d’une partie de jeunes en Missions Locales : souffrent-ils à cause des phénomènes d’exclusion qu’ils subissent ? ou sont-ils exclus parce qu’ils souffrent et n’arrivent pas à prendre leur place ?

Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple d’un jeune qui travaille dans la restauration. Il se sent exclu du groupe des salariés et maltraité par son patron. Cela le met en grande souffrance et induit des ruptures répétées de ses contrats. Lorsque nous nous penchons, avec lui, sur son parcours de vie, nous constatons qu’il a déjà rencontré ce même type de problème à l’école et dans sa famille. Cela a induit une difficulté, pour lui, à s’intégrer dans tout groupe et une grande lenteur dans l’exécution des tâches de travail liée à ses angoisses. Et la difficulté se répète.

Les souffrances d’exclusion, souffrances narcissiques et identitaires, se dévoilent, se déposent et se déploient sur le champ de l’insertion. Notre travail dans les Missions Locales auprès de ces jeunes consiste à leur permettre de revisiter le sens de leurs souffrances pour arriver progressivement à les intégrer, à les élaborer.  En parallèle, cela libère le champ de l’insertion du poids des traumatismes du passé. Nous savons depuis les études de l’INSERM en 1994 et du CETAF/CNML en 2010 que les jeunes en insertion et, en particulier ceux en échec scolaire précoce, sont plus enclins que les autres jeunes à développer des troubles en matière de santé mentale et ont plus de risques suicidaires. Les facteurs sociaux jouent ainsi un rôle prépondérant dans le développement de ces troubles.

Votre ouvrage peut-il servir la pratique des conseillers en Missions Locales ? A qui est-il destiné ?

L’ouvrage est destiné aux psychologues, référents santé, infirmiers, éducateurs… travaillant dans des espaces intermédiaires et en particulier dans les Missions Locales. Il peut cependant intéresser tous les professionnels du lien d’accompagnement. Nous avons fait en sorte d’expliciter les concepts et de présenter notre travail de manière détaillée afin que tous les professionnels des Missions Locales puissent se l’approprier. Certains dispositifs peuvent même être « dupliqués ». 

Ce livre est composé de 7 articles. Certains intéresseront plus particulièrement les psychologues mais nous espérons qu’ils soient accessibles à tous. Nous présentons beaucoup de moments partagés avec des jeunes, des « vignettes cliniques ». Peut-être ce livre peut-il aussi intéresser les directeurs qui peuvent y trouver quelques repères sur les modalités de prise en compte de la souffrance des jeunes et l’intégration des psychologues dans leurs équipes.

Nous pensons qu’à l’intérieur d’une Mission Locale, tous les professionnels écoutent, tous accompagnent les jeunes en difficulté. Les psychologues viennent soutenir l’approche globale des Missions Locales, en proposant des co-accompagnements et en apportant à toute l’équipe leurs éclairages.

En quelques mots, que souhaiteriez-vous que vos lecteurs retiennent, quelles suites donner à la lecture de votre ouvrage ?  

Nous souhaitons que la santé mentale des jeunes en insertion soit une véritable priorité en matière de santé publique.  Les jeunes en souffrance d’exclusion accèdent plus difficilement aux soins psychiques alors qu’ils multiplient les facteurs de risque. Il faut accompagner la pérennisation des postes de psychologues dans les Missions Locales pour tenter de réduire les inégalités en matière de santé. Proposer un soin psychique à ces jeunes c’est aussi prendre soin du vivre ensemble et soutenir les fondements du pacte social.

Afin d’aller plus loin dans les modalités de prise en compte des questions de santé mentale des jeunes en insertion, les co-auteurs se tiennent à disposition du réseau des Missions Locales pour toute demande de conférence et/ou visio conférence.
Contact :

Avec la participation de Myriam CANTIN, Jean-Pierre CAPOROSSI, Mylène DEBARD, Frédérik GUINARD
Hélène KRESS-DESCHAMPS, Florence MOLLIER, Bastien MORIN, Delphine ZENI-CADASSE

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