Vous exercez à la direction générale des outre-mer (DGOM) en tant que chargée de mission éducation, enseignement supérieur et lutte contre l’illettrisme, pouvez-vous nous en dire plus sur vos missions ?
Les missions qui me sont confiées sont essentielles car elles contribuent à un objectif majeur porté par la DGOM : garantir que chaque jeune ultramarin dispose des mêmes chances de réussite qu’un jeune vivant dans l’Hexagone et renforcer l’égalité républicaine dans les Outre-mer. L’éducation est pour moi l’un des leviers les plus puissants pour construire l’avenir et renforcer notre cohésion nationale. À la DGOM, j’ai la chance d’exercer des missions passionnantes qui me permettent de contribuer concrètement à cet objectif. Mon rôle consiste à assurer la mise en cohérence de l’action de l’État en réunissant les différents ministères, les rectorats, les opérateurs, les associations… afin d’adapter les politiques publiques nationales aux réalités de chaque territoire pour garantir de meilleures conditions d’études, mieux lutter contre le décrochage scolaire, favoriser les apprentissages par une meilleure prise en compte du plurilinguisme, veiller à une meilleure inclusion des élèves à besoins particuliers, favoriser l’accès à une alimentation de qualité dans les écoles… Par exemple, nous avons élaboré, avec la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP), une feuille de route pour aider les jeunes ultramarins qui souhaitent étudier dans l’Hexagone à mieux préparer leur mobilité, à leur faciliter l’accès aux soins et aux droits sociaux une fois sur place. Nous travaillons également via un groupe de travail « restauration scolaire », qui réunit la CNAF et la Délégation interministérielle à la lutte contre la pauvreté, à renforcer l’accès à une alimentation saine et équilibrée pour les élèves les plus exposés à la précarité alimentaire.
Qu’est-ce que la DGOM, et à quel ministère est-elle rattachée et quelles sont ses principales missions ?
La DGOM, seule administration centrale du ministère des Outre-mer, est le véritable porte-voix des territoires ultramarins. Ensemblier de l’action de l’État pour les Outre-mer, elle coordonne, négocie et anime l’interministériel pour garantir que les politiques publiques nationales (éducation, santé, logement, développement économique, continuité territoriale) soient adaptées aux réalités locales. Elle apporte son expertise juridique et institutionnelle pour préparer les textes législatifs et réglementaires concernant les Outre-mer. Ce rôle a d’ailleurs été renforcé par la mesure 49 du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) qui impose l’association systématique du ministère des Outre-mer dès la conception des textes et qui consacre le « réflexe outre-mer ». La DGOM joue un rôle central dans le CIOM, présidé par le Premier ministre, qui fixe la feuille de route de l’État et inscrit l’action publique dans le temps long. Elle s’appuie aussi sur le Service militaire adapté (SMA), acteur majeur de l’insertion des jeunes et sur son opérateur LADOM, qui facilite la mobilité des ultramarins pour leurs études, leur formation ou leur emploi.
Pourquoi avoir initié ce projet de plan de lutte contre l’illettrisme et avec quels acteurs avez-vous travaillé ? Concerne-t-il exclusivement les territoires ultramarins ?
La lutte contre l’illettrisme est une priorité nationale et un enjeu majeur pour conforter l’égalité des chances. Dans les Outre-mer, où les taux d’illettrisme sont structurellement plus élevés qu’en Hexagone, il était indispensable d’engager un plan ambitieux, interministériel et pluriannuel. L’objectif est de combler les écarts, de prévenir l’illettrisme dès le plus jeune âge et de donner à chaque citoyen d’Outre-mer les clés de l’autonomie, de l’insertion professionnelle et de la pleine participation à la vie démocratique. Ce plan a été initié sous l’impulsion du CIOM de 2023, qui en a fait l’une de ses priorités. Sa préparation a associé les ministères compétents, les services déconcentrés, les opérateurs de l’État et réseaux associatifs sans oublier le rôle majeur de l’ANLCI. Pour la première fois, c’est un plan qui cible exclusivement les territoires ultramarins où les taux d’illettrisme sont les plus élevés de France, parfois deux à trois fois supérieurs à la moyenne nationale. Il répond à une priorité identifiée par le CIOM en mobilisant tous les leviers de prévention et d’accompagnement, de l’école jusqu’à la formation des adultes.
Quelles sont les mesures phares de ce plan de lutte interministériel ? Y aura-t-il des actions spécifiques à l’attention des jeunes, notamment ultramarins ?
L’objectif du plan est de rompre le cercle vicieux de l’illettrisme, d’améliorer l’employabilité et de donner à chacun les moyens de progresser tout au long de la vie. Il repose sur deux piliers complémentaires : la prévention dès la petite enfance, avec une gouvernance territoriale renforcée, la mobilisation des acteurs et le repérage systématique grâce à l’outil EVA et la remédiation et la sécurisation des parcours en détectant les difficultés dès l’entrée en formation ou en contrat et en proposant des remises à niveau en situation professionnelle. La jeunesse est au cœur de ce plan : renforcement des apprentissages dès l’école et le collège, accompagnement des jeunes en difficulté en lien avec les Missions Locales et mobilisation du Régiment du service militaire adapté (RSMA) pour proposer des parcours de remobilisation et de remise à niveau.
Comment envisagez-vous la suite et la mise en œuvre de ces mesures ?
La mise en œuvre se fera en deux temps. D’abord, la consultation territoriale en cours s’est achevée le 30 septembre : elle permettra d’affiner les priorités et de tenir compte des retours des acteurs de terrain. La signature officielle du plan interviendra à l’automne, en présence de la DGOM, de la DGESCO et de la DGEFP et sera suivie de l’installation d’un comité national de suivi qui pilotera le déploiement opérationnel. Les mesures seront mises en œuvre de façon concertée avec les préfets, les rectorats, les collectivités et les opérateurs locaux. Les Missions Locales seront naturellement associées, compte tenu de leur rôle essentiel auprès de la jeunesse, pour assurer le repérage des jeunes en difficulté, leur accompagnement et leur orientation vers les solutions de remédiation ou de formation adaptées.
Qu’est-ce que vous retenez des échanges que vous avez eus avec les Missions Locales ultramarines dans le cadre des travaux préparatoire à l’élaboration de ce plan ?
Les échanges avec les Missions Locales ultramarines et plus largement avec l’Union nationale des Missions Locales (UNML) ont été précieux dans la phase de préparation du plan pour comprendre la diversité des situations et ajuster un plan adapté aux réalités des jeunes. Elles ont insisté sur l’importance d’approches innovantes (culture, sport…) pour susciter l’adhésion aux parcours de remise à niveau, sur le besoin de mieux coordonner les acteurs et de former leurs conseillers, notamment sur les troubles dys ou encore sur l’enjeu de maintenir les jeunes en formation. Grâce à la convention qui lie la DGOM à l’UNML, nous avons pu bâtir une feuille de route partagée. Les Missions Locales seront bien sûr actrices de la mise en œuvre opérationnelle du plan illettrisme.