Publié le 01/09/2025

Pouvez-vous revenir sur l’historique et le contexte actuel ?

De 2019 à 2023, le réseau a connu une croissance importante, liée à l’augmentation de son activité, elle-même permise par un financement accru de l’État. Cette dynamique s’est stabilisée en 2024, avant d’entrer, en 2025, dans une phase de réduction des financements.

Aujourd’hui, la situation est complexe : le contexte budgétaire national est tendu. L’État cherche à faire des économies et à optimiser l’usage des fonds publics. Dans le même temps, les collectivités territoriales, confrontées elles aussi à des contraintes financières, tendent à réduire leur soutien. Certaines régions ont déjà complètement cessé de financer les structures locales.

Face à cette situation et à l’attente des structures, nous avons engagé un dialogue avec l’État et la Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui restent nos principaux financeurs. Des échanges sont par ailleurs en cours avec les collectivités territoriales sur les territoires.

En 2020, le financement total des Missions Locales (toutes sources confondues) s’élevait à 765 millions d’euros. Il a atteint un pic en 2023, avec 1,07 milliard d’euros, avant de légèrement reculer à 1,05 milliard en 2024.

Une augmentation qui est à attribuer à la hausse du financement de l’Etat. En, 2021, il s’élevait à 489 millions d’euros pour atteindre en 2023, 647 millions d’euros. En parallèle, les autres sources (collectivités et autres partenaires) sont en moyenne légèrement en baisse sur la période. En synthèse, en 2023, la part de l’Etat représente 74% du financement global du réseau des Missions Locales, les 26% restant étant partagés entre les collectivités et les autres sources de financement.

Quelles sont les attentes formulées par l’État ?

L’année 2025 marque la fin de notre convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) avec l’État. Avec le ministère du Travail et la DGEFP, un dialogue est ouvert pour redéfinir cette convention pour les années 2026-2028. Cette perspective réinterroge les critères servant à fixer les montants alloués.

Il est tout à fait légitime de vouloir évaluer le travail des Missions Locales — nous avons toujours fait preuve de transparence envers nos financeurs. Mais cette évaluation ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel : l’accompagnement du jeune.

Notre ligne de conduite consiste à partir du projet du jeune, puis à mobiliser les dispositifs disponibles. Or, les discussions actuelles, aux niveaux national, régional et local, tendent à prioriser les programmes, formations et dispositifs, sans toujours s’interroger sur leur adéquation avec les besoins réels et actualisés des jeunes. C’est précisément cette spécificité — partir du jeune — que nous défendons dans nos échanges sur les modalités de financement.

Quelles actions ont été menées ou sont prévues ?

Nous échangeons étroitement avec la DGEFP et le ministère du Travail, notamment sur la préparation de la future CPO des Missions Locales. Avec le réseau, nous allons préparer les éléments nécessaires pour justifier des financements que nous estimons nécessaires. Notre priorité est de maintenir le niveau actuel des financements déjà en diminution 2025, sans baisse, pour être en capacité de continuer à répondre à aux besoins d’autonomie et d’insertion durable dans l’emploi des jeunes.

Un autre enjeu porte sur la répartition des financements de l’État, car nous constatons des écarts importants et dont on ne comprend pas bien l’origine, entre régions et même entre Missions Locales d’un même territoire. Il nous faut donc travailler avec le réseau et l’État à la définition de critères permettant une répartition plus équitable des crédits.

Concernant les collectivités territoriales, le sujet est plus difficile à traiter, notamment en raison des renouvellements à venir dans les communes, intercommunalités et départements, ainsi que de la diversité des interlocuteurs. Néanmoins, cela ouvre aussi la possibilité de construire, avec chaque acteur local, un véritable projet territorial autour de l’insertion des jeunes. Ces perspectives sont intéressantes : elles s’inscrivent dans la culture d’adaptation aux réalités locales propre aux Missions Locales et font le lien avec les comités locaux pour l’emploi.

Les élections municipales de mars offrent justement une opportunité de présenter ces projets et de proposer des partenariats rénovés. C’est le travail que devront mener les Missions Locales, avec l’appui des Associations régionales et de l’Union.

Enfin, nous pourrions également développer d’autres sources de financement, comme la taxe d’apprentissage ou le Fonds social européen (FSE). Ce dernier est encore peu mobilisé (1,5% de nos financements en 2023) : nous allons renforcer notre action d’ici à la fin du programme 2027 et réfléchir à une proposition d’envergure pour le prochain cycle européen, afin de s’assurer de  financements complémentaires.

Vous avez évoqué des disparités entre régions et Missions Locales. Comment les expliquez-vous ?

D’abord, toutes les collectivités n’apportent pas le même niveau de financement aux structures de leur territoire. Les écarts sont parfois très importants. Ensuite, ces disparités s’expliquent aussi par l’histoire des structures et les dynamiques locales. Une collectivité fixe son soutien en fonction de problématiques et d’objectifs précis, mais ce financement évolue rarement au fil des années.

Or, une Mission Locale peut se retrouver, quelques années plus tard, confrontée à une augmentation du nombre de jeunes accompagnés ou à des difficultés d’accès à l’emploi plus marquées, sans que son financement ait été réévalué. Résultat : certaines structures autrefois bien dotées sont aujourd’hui sous-financées, tandis que d’autres dégagent désormais des excédents.

Nous ne remettons pas en question le fait que les situations soient différentes d’un territoire à l’autre. Cette diversité reflète l’autonomie que nous défendons. En revanche, elle pose la question de la mutualisation entre les structures pour réduire ces écarts.

Comment le réseau peut-il travailler collectivement sur cette question ?

Pour entrer dans la phase opérationnelle, et plus largement sur ce dossier, nous souhaitons intégrer plus étroitement les directions des Missions Locales avec l’appui des ARML dans les travaux de l’UNML, aux côtés des présidences déjà impliquées.

Les sujets sont devenus très techniques, et cette expertise issue du terrain est indispensable. Désormais, il ne suffit plus de dire à une collectivité ou à l’État : « Voici la politique que nous souhaitons conduire. » Il faut également pouvoir la traduire en termes budgétaires.

Les disparités territoriales étant fortes, nous avons besoin de remontées locales précises, non plus sous forme de synthèses nationales mais bien d’analyses issues de chaque territoire.

Quel regard portez-vous sur cette période ?

La pérennité du financement est une préoccupation majeure pour toutes celles et ceux qui travaillent dans le réseau ou s’y engagent bénévolement, comme c’est mon cas.

Notre action consiste à mobiliser, en cohérence avec le projet du jeune, des interventions qui relèvent parfois de la compétence des collectivités. C’est le principe même de notre modèle économique. Aujourd’hui, j’observe un décalage croissant entre les compétences dévolues aux collectivités et leur contribution concrète au financement. Cela m’interroge car les collectivités locales sont nos premiers partenaires et la présence d’élus locaux dans nos instances conforte l’ancrage territorial de notre réseau.

On est passé du « Que fait-on ? » au « Combien cela coûte ? ». Or, cette approche centrée sur le coût est à rebours de notre mission. Elle tend à faire passer au second plan les questions du « pourquoi » et du « comment », qui sont essentielles et doivent rester au cœur de notre action auprès des jeunes.

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